dimanche 2 octobre 2016

A pied ou à vélo ?

Ayant rallié Compostelle à vélo depuis la Belgique et parcouru une partie du Camino Norte à pied, je voudrais partager mon expérience pour ceux qui hésitent entre ces deux modes de déplacement.
Le premier critère est sans doute le temps dont on dispose : depuis la Belgique, il faut compter trois mois à pied et à peu près un mois à vélo, les distances parcourues par jour pouvant fort varier d’un cycliste à l’autre.
La préparation est déjà différente : il y a plus de topo-guides pour les marcheurs, les bagages peuvent être plus volumineux à vélo et si on ne part pas depuis son domicile, il est plus difficile de transporter son vélo.
Pour les bagages, on peut sans problème charger 22 kg sur son vélo, à pied, il vaut mieux ne pas dépasser les 13 kg sur son dos, à moins de prendre une charrette qui elle a aussi son poids.  Il est donc plus facile de camper à vélo.
L’itinéraire à pied est relativement facile car bien balisé.  A vélo, tout dépend du type : en VTT on pourrait suivre le Camino officiel mais sur les sentiers style GR on ne sait pas avancer très vite, il faut freiner dans les descentes (frustrant !), l équilibre est incertain, les bagages ballotants et le risque de chute est réel.  De plus on se gêne mutuellement avec les piétons qui doivent s’écarter, parfois même s’arrêter.  Les marcheurs solitaires ont maintenant souvent un mp3 dans les oreilles et les groupes parlent en occupant toute la largeur du chemin !  Avec un vélo de trekking (VTC) la difficulté est qu il faut créer son propre chemin en restant le plus près possible du Camino.  Il existe bien sûr des guides vélo et des traces sur Internet mais pas de flèches à suivre. Il faut donc très bien préparer son parcours.
La navigation est plus aisée à pied : on a tout le temps pour consulter sa documentation ou demander le chemin.  Le mieux est de garder carte et topo à portée de main dans un sac banane.  A vélo, un support de GPS permet une lecture permanente.  La route encodée permet d anticiper les changements de direction.  Attention quand même aux obstacles et à sa route. Pour toute autre consultation (comme la boussole pour les vrais aventuriers puristes J).il faut s’arrêter.
L’incidence des conditions météorologiques est différente.  La chaleur est plus supportable à vélo grâce au vent créé par la vitesse, mais ce vent peut être très gênant et fatigant à vélo.  Quant à la pluie, elle affecte plus le cycliste qui peut moins bien se protéger sans compter la perte d’adhérence et le freinage moins efficace.  La neige dans les Pyrénées gênera plus le cycliste J
Les ennuis techniques sont plus fréquents à vélo même si on a prudemment effectué un grand entretien (chaîne, freins, pignons, câbles, rayons, crevaisons,…).  Mais vous pourrez compter sur la solidarité des autres pèlerins cyclistes.  A pied je ne vois qu’une bottine abîmée ou une lanière de sac cassée.
Pour une journée type, à vélo, entraîné, pas de problème pour être dix heures en route.  Pour les visites éventuelles à l’arrivée à vélo ça fait du bien de marcher un peu et faire travailler les muscles autrement, par contre après une journée de marche. .. Si le logement est à plusieurs km de l’itinéraire, cela devient pénible à pied de prolonger l’effort, d’autant plus qu’il faudra revenir sur ses pas le lendemain.  Même chose pour les erreurs de parcours, c’est plus frustrant à pied.  Attention, de nombreuses auberges n’acceptent les cyclistes qu’à partir de 16:00 heures, question de laisser aux marcheurs d’avoir une chance de trouver un lit ;-)
Le rythme à pied permet à l’esprit de vagabonder, de méditer sans retenue, de regarder les papillons, à part dans les passages difficiles.  A vélo on doit plus se concentrer sur la circulation et aussi la navigation d’autant plus qu on ne suit pas toujours un itinéraire balisé.
La sécurité contre les vols est plus facile à assurer à pied puisqu’on prend son sac partout.  A vélo on doit laisser une partie de ses affaires pour faire les courses et les visites. Si le vélo est volé on est tout nu: plus de matériel plus de moyen de déplacement.  Bon je connais un copain à qui on a volé les bottines ! Précisons que la plupart des auberges disposent d’un local fermé pour ranger les vélos la nuit, même si c’est parfois la buanderie ou le salon.
Par contre, pour la santé, on est plus vulnérable à pied;  la liste de la « bobologie » est longue: ampoules aux pieds, entorses, foulures, crampes, mal aux genoux, au dos ou aux épaules, etc.  A vélo, outre les crampes, ce sont plus les fesses qui peuvent poser problème.  Par contre, les conséquences peuvent être plus graves en cas de chute.
Qu’en est-il des rencontres, aspect essentiel pour le Compostelle ? Il est vrai qu’il est plus difficile, et plus dangereux, de parler tout en pédalant.  Par contre, dès qu’on s’arrête, en cours de journée ou à l’étape, les conversations sont entamées de la même façon.  Quant à partager son chemin avec d’autres pèlerins rencontrés en court de route, il suffit dans les deux cas de trouver une âme sœur qui a le même rythme que soi.  Mais les cyclistes sont nettement moins nombreux sur le Camino, ils représentent une quinzaine de pourcents de tous les pèlerins.
L’accueil est aussi chaleureux à pied qu’à vélo même si le vélo permet parfois de plus facilement entamer la conversation autour des aspects plus techniques.
Pour ceux qui tiennent à la Compostella, signalons que pour l’obtenir, il faut avoir parcouru 100 km à pied ou 200 km à vélo.
Le retour de Santiago avec son vélo n’est pas évident.  Les compagnies aériennes acceptent généralement les vélos mais ils doivent être emballés et les vélos électriques ne sont pas acceptés.  Pour les trains, c’est plus compliqué : les règles sont différentes selon le type de train, la ligne ou même l’heure.  Parfois on peut ou on doit réserver, parfois ce n’est pas possible.  Le nombre de vélos acceptés est limité, l’emballage est parfois obligatoire (dans les TGV par exemple).  On peut revenir partiellement ou complètement en car.  Dans ce cas aussi il faut réserver et emballer son vélo.  Généralement, il n’y a que quatre vélos qui sont acceptés par car.  Une dernière solution est de faire ramener son vélo comme « colis » par une firme de transport.  L’auto-stop n’a guère de chance de succès avec votre vélo et vos bagagesJ.  Le grand confort c’est de trouver une bonne âme dévouée pour jouer au camion balai et vous assister tout au long du chemin et vous ramener sans soucis à la casa.
En guise de conclusion, on reprendra l’adage du Compostelle : « à chacun son chemin » et à chacun son moyen de transport pour l’emprunter.  Personnellement, après avoir apprécié les deux, je trouve que le pèlerinage à pied est plus éprouvant mais plus authentique.  Il permet une meilleure introspection.  L’important est surtout l’état d’esprit avec lequel on part, à pied ou à vélo.
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A PIED
A VELO



le temps
trois mois à pied
un mois (variable)
la préparation
plus de topo-guides
bagages peuvent être plus volumineux
transport  plus difficile
les bagages
13 kg sur son dos (sauf charrette)
22 kg
(matériel de camping)
l’itinéraire
bien balisé
GR : difficile
à créer soi-même
la navigation
plus aisée
attention au trafic
la météo
chaleur plus accablante
vent et pluie gênants
les ennuis techniques
semelles
plus fréquents
la journée type
détours plus frustrants
10 heures
le rythme
l’esprit peut vagabonder
plus concentré
la sécurité (vols)
puisqu’on prend son sac partout
plus risqué
conséquences plus graves
la santé
plus vulnérable
moins de traumatisme
plus grave en cas de chute
les rencontres
à tout moment
plus difficile en pédalant
l’accueil
identique
le retour
sans problème
plus cher et plus compliqué